Sirènes
Y’a un truc qui a changé. En profondeur puis pour toujours. Dans le genre radical. C’est le petit tressaillement, la pointe d’inquiétude, le pincement au cœur. C’est imperceptible – il faut que ça le soit – mais c’est là. Quand les sirènes passent en hurlant. Quand il y en a plus de deux ou trois. Le cerveau se souvient, il rebranche automatiquement et attend. De voir s’il y en a d’autres. Le compte s’arrête rapidement, il respire et reprend sa trajectoire. C’est fugace mais c’est systématique. Cette sidération qu’on ne voudrait jamais revivre. Ces sirènes qui défilent sous nos fenêtres, toute la nuit sans s’interrompre. Qui réveillent l’enfant dans sa chambre. Qui écrasent d’une pichenette définitive l’enfant en nous. Nous tétanisés, comme des cons, devant les fils d’info en continu. Nous comme tout le monde, à chercher à avoir des nouvelles des copains, des amis. Nous qui n’arriverons pas à faire autrement qu’à ne plus emprunter certaines rues pendant un long moment. Nous qui déglutissons avec effarement en lisant le mot de l’école maternelle « votre enfant a participé aujourd’hui à l’exercice de confinement mis en place dans le cadre des alertes attentats. » Nous qui osons à peine mesurer l’écrasement des autres, de ceux qui ont perdu la vie ou leur vie. C’est un peu tout ça entremêlé, le bruit des sirènes, maintenant.
7.12.17