Crédulité

J’ai cru au Père Noël. Pas longtemps, mais la petite souris a pris le relais.

J’ai cru que si je fermais les yeux très fort en comptant jusqu’à mille et que je ne marchais pas sur les rainures du trottoir, tout s’arrangerait.

J’ai cru que tout le monde était de gauche.

J’ai cru que mes parents étaient des héros.

J’ai cru que les grands avaient toujours raison.

J’ai cru que je ne vieillirais jamais.

J’ai cru que la vérité allait éclater.

J’ai cru que j’allais sauver l’environnement.

J’ai cru que les méchants avaient une tête de méchant – et qu’on pouvait donc les éviter avec un bon vieux délit de faciès efficace.

J’ai cru que si je le voulais vraiment, je me réveillerais avec les yeux verts, en amande, et des cheveux d’un roux profond aux boucles interminables.

J’ai cru que je pourrais arrêter de fumer dès que je le voudrais.

J’ai cru qu’Internet était un truc réservé à mes potes geeks, qui ne servait à rien.

J’ai cru que la Chine était au Japon, et vice-versa. Ça sonnait mieux.

D’ailleurs, une fois remises les choses à leur juste place, j’ai cru que si tous les Chinois sautaient en même temps ça engendrerait un raz-de-marée aux Etats-Unis.

J’ai cru qu’une partie de mes ancêtres venait de Russie, alors j’ai appris le russe. Finalement, ils viennent de Suède. Quiproquo géographique.

J’ai cru que le FN ne pourrait jamais être au second tour.

J’ai cru qu’on s’aimerait toute la vie.

J’ai cru que si je travaillais bien mon mérite serait récompensé.

J’ai cru que si je lui donnais des croquettes, mon chat serait sympa. C’était sans compter que l’adage « on ne mord pas la main qui nous nourrit » ne s’appliquait pas dans ce cas précis.

J’ai cru que ma mutuelle était aussi efficace que ce qu’en disait la conseillère de vente.

D’ailleurs, j’ai aussi cru la vendeuse qui me disait que cette robe m’allait trèèèès bien. Alors que non, objectivement, non.

J’ai cru que je serais rémunérée et considérée autant qu’un homme.

J’ai cru que je n’aurais jamais d’enfant.

J’ai aussi cru que je ne porterais jamais de lunettes.

J’ai cru que l’honnêteté intellectuelle gouvernait le milieu de la recherche.

J’ai cru « one apple a day keep the doctor away ».

J’ai cru que le progrès nous rendrait tous généreux et tolérants.

Et pourtant, j’ai encore envie de croire.

Qui l’eût cru ?

06.01.2018